Biographie

Philippe Smit (1886-1948)1


Philippe Smit est né aux Pays Bas, à Zwolle le 17 Novembre 1886, d’un père hollandais et d’une mère d’origine française, avant-dernier né des huit enfants du couple.

En juillet 1895, sa famille s’installe à Paris où son père après avoir exercé la profession de coiffeur sera pendant de nombreuses années concierge de l’hôtel Montaigne. Son éducation est essentiellement française. Si l’on ne possède pas d’information sur ses études il semble qu’elles furent restreintes, ce dont témoigne une orthographe très approximative. Cependant amoureux de la poésie et de la musique de son époque, il approfondit tout au long de son existence, sa connaissance dans ces domaines. Les poètes (Verlaine, Baudelaire, Rollinat, Mallarmé) et musiciens (particulièrement Debussy) inspireront nombre de ses œuvres.

Jeune homme, il gagne sa vie, pendant une brève période, en dessinant et créant des bijoux. Autour des années 1910, il fréquente deux écoles de dessin où il rencontre René Massé auquel l’unira une profonde amitié.
En 1910, sa mère décède. Il s’installe rue Malte Brun, dans l’immeuble où vit Massé.

A cette même période peut se situer sa rencontre avec les époux hollandais Nicolaas et Berendina Urban qui, admirateurs de sa peinture, vont le soutenir moralement et financièrement, et l’héberger lors de ses séjours aux Pays-Bas où Nicolaas se chargera de la vente de ses œuvres. Les aléas de la vie, pas même le divorce des époux et ensuite la vie commune avec le mariage en 1940 de Philippe Smit avec Berendina, n’affecteront leur amitié.

Il vit dans un extrême dénuement que seule l’aide des époux Urban tempère, et se partage entre Paris dont il représente places, ponts et quais et les Pays-Bas où il fait de courts séjours. Son émerveillement devant la nature, jamais démenti, le pousse à multiplier les escapades le long du cours de la Seine et ses alentours, en aval à Bonnières, Vétheuil, Giverny, Osny et Auvers-sur-Oise, en amont, à Barbizon et dans la forêt de Fontainebleau. Cette « délicieuse nature […] est toujours d’une grande consolation », et il affirmera naïvement tout au long de sa vie ne l’avoir jamais vue aussi belle.

La première guerre mondiale le surprend en Hollande où il demeurera sans discontinuer jusqu’en 1920. La plupart du temps il est hébergé par les époux Urban, qui en 1915 emménagent dans une maison à Amsterdam avant de s’installer en 1917 dans une villa à Blaricum/Laren, où tout comme à Amsterdam il dispose d’un grand atelier qu’il qualifie de « lieu de rêve »2. Malgré sa nostalgie de la France c’est une période féconde pendant laquelle il poursuit son éducation littéraire lisant romanciers et poètes français contemporains, s’initie plus intimement à la musique et affirme sa conception de l’art qui est pour lui « toujours un sentiment de quelques reflets du ciel »3. Analysant la production des peintres de son époque et de leurs grands prédécesseurs, il estime que la perfection de la couleur et de la forme ne suffit pas, qu’il faut être un « fouilleur d’âme » et que seul le style « né par l’émotion est le vrai »4.

En avril 1916 est organisée à Amsterdam l’exposition de 58 de ses œuvres.5 S’il se plaint de n’être pas compris par les critiques, l’un d’eux, Anton Zelling, féru comme lui de poésie, de musique et de religion, publie une longue et élogieuse analyse de sa peinture. Leur amitié ne se démentira plus.

En novembre 1918, sa sœur préférée, Emma, dont il a fait de nombreux portraits, décède. Il la représentera une dernière fois en 1919 dans la Piéta [PS 189] témoignage de la douleur et de sa foi en un au-delà.

Dès 1919 il envisage d’exposer en France, trop tardivement pour le Salon de la Société des artistes indépendants, puis à celui de la Société nationale des beaux arts où il sera refusé en 1920 et enfin au Salon d’automne 1920, projet qu’il abandonne bientôt. C’est finalement en octobre 1920, dans son atelier de Sparren à Laren qu’il présente ses œuvres6, puis toujours aux Pays-Bas en 1922/23 il participe à une exposition à l’hôtel Corvin d’Hilversum7.

Durant cette même période où il alterne séjours français et hollandais, il quitte en mars 1920 la rue Malte Brun pour s’installer dans une chambre de service au 10 rue de la Pépinière à Paris. Il rend visite à Vuillard qui trouve sa peinture caricaturale et à Monet à Giverny, rencontre et reçoit Picasso. Il admire les peintures du Gréco chez le peintre espagnol Zuolaga, flâne à Barbizon sur les traces de Millet et lors d’un voyage dans le Berry visite à Fresselines la maison du poète Rollinat. Ses promenades autour de Fontainebleau l’amènent régulièrement à Recloses, village dont les Urban et lui-même sont « tous fous »8, où il séjourne et peint fréquemment.

La rencontre à l’été 1921, avec Theodore Pitcairn, est sans conteste l’évènement qui aura la plus forte influence dans sa destinée. Ce très riche américain, amateur d’art et collectionneur, fait sa connaissance chez les Urban à Laren par l’intermédiaire d’Ernst Pfeiffer. Séduit par la personnalité et le talent du peintre il lui achètera année après année la plus grande partie de sa production et œuvrera même après sa mort à la promotion et à la reconnaissance du peintre.

Au Printemps 1924 Philippe Smit entame son premier voyage de trois mois en Pennsylvanie. Il y réalise à la demande de Theodore Pitcairn les portraits d’évêques de la General Church of the New Jerusalem [PS 246] et [PS 244], église swedenborgienne créée par un groupe de personnes dirigé par l’évêque W.F. Pendleton et dont Pitcairn est pasteur. Les liens entre les deux hommes vont être consolidés par le mariage, le 26 janvier 1926 de Theodore Pitcairn et Marijke Urban. A cette occasion le peintre, témoin de la mariée, devient membre de l’église swedenborgienne. Son mysticisme déjà présent bien avant sa conversion va s’en trouver renforcé et les écrits de Swedenborg inspireront plusieurs toiles.

La même année Berendina Urban achète au nom de sa fille Lotty une maison rue Sainte Reine à Recloses. Un atelier y est aménagé. Le peintre manifeste un vif attachement à cette région de Seine-et-Marne dont il ne s’éloigne qu’avec regret, particulièrement lors de ses séjours aux Etats-Unis où il demeure chez les Pitcairn à Bryn Athyn, huit mois en 1927 puis quelques mois fin 1928 et janvier 1929.

En 1926 Philippe Smit achète le château de La Motte à Thoury-Ferrottes, dont en 1928 il cède la nue-propriété à Theodore Pitcairn, qui y fait édifier un atelier. Il partage désormais avec Berendina, divorcée en 1928, une vie très aisée qui, si elle l’éloigne des contraintes du monde de l’art et empêche ainsi la reconnaissance de sa peinture, lui permet en toute liberté de ne se consacrer qu’à son œuvre. Celle-ci trouve néanmoins un ardent défenseur en la personne de Kasper Niehaus, peintre et critique d’art hollandais réputé, qui saluera inlassablement dans ses articles la qualité du peintre, n’hésitant pas à intituler l’une de ses études Philippe Smit, génie inconnu9.

Outre de fréquents séjours en Hollande parfois de plusieurs mois, Philippe Smit voyage en Espagne au printemps 1930 où la visite du Prado confirme son admiration du Gréco. A l’été 1931 il est en Bretagne, en 1933 sur la côte Varoise, aux Etats-Unis et en Bretagne de nouveau, et en 1936 dans le Val de Loire. Décembre 1933 et janvier 1934 il expose à Amsterdam chez Goudstikker.10

Cette vie heureuse que seule une santé fragile contrarie, sera interrompue par la guerre qui l’oblige avec ses proches à se réfugier en zone libre à Pau où ils resteront jusqu’en septembre 1943. Il y épouse Berendina le 16 octobre 1940.
La vie à l’hôtel, la difficulté de se procurer le matériel nécessaire à sa peinture et l’éloignement de sa chère forêt de Fontainebleau perturbent son travail, d’autant que la lumière et le paysage de son exil ne lui donnent aucun plaisir. De retour à Thoury-Ferrottes, il retrouve goût au labeur et fin 1945 part avec Berendina pour un grand voyage aux Etats-Unis dont il revient en octobre 1946.

Une exposition de ses œuvres destinées à être expédiées à Bryn Athyn est organisée à la galerie Pierre Maurs à Paris en janvier 1948.11 Malheureusement l’accident du camion transportant les tableaux l’affecte profondément et le contraint dans l’urgence à restaurer plusieurs pastels.

Au retour d’un court séjour en Hollande, il décède brutalement à Thoury-Ferrottes le 5 juillet 1948.

1. Cette Biographie, tout comme la chronologie, souffre du manque de documentation affectant certaines périodes de la vie de Philippe Smit. Nous souhaitons pouvoir les compléter et demeurons à la recherche de lettres, cartes, photographies et autres documents nous permettant d’y parvenir. 2. PS, CPAS aux Massé, [30 septembre 1924], album Massé, p. [49]. 3. PS, LAS à Theodore et Marijke Pitcairn, [mars 1928]. 4. PS, LAS aux Massé, [24 juillet 1920], album Massé, p. [41]. 5. 1916 Larensche Kunsthandel. 6. 1920 Sparren. 7. 1922-23 Gooische Kunstenaars. 8. PS, CPAS à Massé, Amsterdam, [24 avril 1920], album Massé p. [40]. 9. Voir 1955 Niehaus. 10. 1933 Goudstikker. 11. 1948 Maurs.



Philippe Smit, jeune homme, vers 1903-1905 …

… vers 1910-1915 …

… dans les années 1920 …

… dans la cour de Recloses, vers 1935-1940 …

… après la guerre.